dimanche 6 avril 2014

DE L'USAGE DES MOTS


DE L'USAGE DES MOTS


Pourquoi parler d'esprit et de spirituel  pour désigner ce qui relève du mental?

Le sens d'un mot est inséparable de l'usage qui en a été fait au cours de l'histoire et de celui que je m'apprête à en faire; l'utiliser m'inscrit dans un système de relations sociales que j'assume ou non, mais qui continue de coller au mot lui-même. Son sens véritable déborde de beaucoup la signification abstraite, logique qui lui est attachée. Il possède une dimension pratique, éthique incontournable Ce sera la conviction de Wittgenstein après le Tractatus.

un petit apparté sur Wittgenstein:

Wittgenstein va d’abord chercher à conformer le langage à larationalité logique, seule source possible de certitude dans le contexte intellectuel où il évolue ; puis il renversera en quelque sorte le processus, en partant du « langage ordinaire », en essayant de décrypter ce que celui-ci nous montre du réel ; il ne s’agit plus ici de certitude, mais de connaissances , dont le degré de vérité est inéluctablement relatif à leur conditions – à la fois technologiques et conceptuelles - de fabrication:

                   Du langage, comme manifestation de la rationalité logique, seule source possible de certitude, au langage, manifestation de la vie, seule source, non de certitudes, mais de connaissances ; ou du premier au second Wittgenstein.

Ce qui suit est la reprise de commentaires faits à l'article "Des lois de la nature au libre-arbitre".



"Le Sens des mots : ce point est plus délicat. Notre culture est organisée par disciplines verticales. Le sens des mots utilisés en philo se réfère à l'histoire de la philo impliquant une forme d’académisme et surtout une connaissance approfondie des anciens"(jean claude serres)
C'est, à mon sens, une vision très réductrice du "sens des mots"; Celui - ci déborde de beaucoup la discipline où il est utilisé. Comme je crois l'avoir déjà formulé, il renvoie à toute une pratique sociale, porteuse d'enjeux symboliques lourds parfois de conséquences politiques; bien sûr, actuellement, nous pouvons dire à peu près n'importe quoi sans que ça ait d'autre conséquence que la compréhension par autrui de ce que nous disons ( mis à part les propos concernant certains sujets comme la religion, le racisme, la shoah, etc... l'épisode Dieudonné serait ici intéressant à analyser ); mais cela n'a pas été toujours le cas. Se référer à telle ou telle représentation du monde pouvait vous amener au bûcher. Les mots et leur utilisation s'inscrivent dans des pratiques sociales où les enjeux de pouvoir ne sont pas absents. Il n'est donc pas indifférent d'utiliser telle ou telle formulation et, sauf par naïveté, on ne peut pas ne pas tenir compte de leur rôle historique, qui dépasse de beaucoup, encore une fois, le sens que individuellement, je me crois capable de leur donner. L'expression "libre-arbitre", ainsi que le mot "âme" renvoie à des configurations de pouvoir historiquement liées aux forces qui les ont imposé. La dimension politique de la philosophie, pour moi, réside aussi dans ka façon dont, par rapport à cela, je me situe.'Bernard 8/01/2014)

j'utilise personnellement le concept de libre-arbitre dans cette acception : le rapport que mes différents états de conscience entretiennent avec ce que je fais. Le libre-arbitre devient ainsi une compétence à développer. Cela ne consiste pas uniquement à choisir entre des possibles qui me sont offert par la vie mais aussi à choisir entre des potentialités, des virtualités que je peux actualiser dans une démarche créatrice singulière ou collective. Mon futur n'est plus seulement déterminé par mon passé mais aussi par la prise en compte d'un contexte, le choix entre des facteurs de risques/innovations qui vont m'engager en tant que personne et en tant que acteur social. J'aurai à assumer les conséquences de ces décisions quel qu'elles soient 
(responsable mais pas forcement coupable. 



le problème reste celui de l'utilisation du terme "libre-arbitre" qui implique un choix dont le résultat aurait pu être autre que ce qu'il a été. Mais "qui "choisit? Le "je" qui pense être l'auteur de la décision n'est pas rigoureusement le même au temps t1 du départ de la prise de décision et au temps t2 où la décision est prise; le cerveau a déjà alors anticipé cette décision alors que la conscience en est encore à découvrir ce qui s'est passé. On oublie que tout ceci prend du temps et qu'au temps t2 le "je" n'est plus soumis aux mêmes contraintes qu'au temps t1 et que celles -ci changent également tout au long de l'intervalle t1-t2. Relire à ce propos les passages de Bergson sur l'illusion rétrospective citée plus haut ( p 125-130), et également le passage de Gazzaniga pages 155-6, cité dans l’article « notes de lecture. 



Je partage pleinement ton commentaire. Je l'exprime autrement.le "je" qui pense "en conscience" n'est pas pour moi le sujet du libre arbitre. Ce "je" est une photographie instantanée impermanente. Le cerveau qui m'habite est multipolaire (cognitif, émotionnel et mimétique). C'est dans ma capacité, dans la durée à développer une compétence d'esprit critique, de libre arbitre, d'apprentissage et de conditionnement à une mémoire du futur, à un futur désirable, qui donne du sens à mon quotidien. Ce sont ces pôles inconscients qui pilotent dans l'instant et dans un contexte donné ce que "je" c'est à dire la personne qui m'habite en cet instant. Le libre arbitre acquis détermine la personne qui parle en mon nom et qui produit cette confiance dans les intuitions qui émergent des processus non conscients de maturation. C'est dans l'effort d'apprentissage et l'intégration de mes retours d'expériences que s'élabore en amont mon libre arbitre. Voir les processus de métacognition de S Dehaene et aussi les limites qu'il donne aux processus d'introspection

Bernard journault 5 janvier 2014 20:22
ce qui va suivre part du principe que l'utilisation que l'on fait des mots n'est jamais sans signification spécifique, indépendante pour une part du sens des mots eux-mêmes. Ainsi du " libre-arbitre"? Le sens que tu lui donnes est particulier, et je continue à penser que le sens des mots n'appartient pas principalement aux utilisateurs, mais relève de tout un contexte par rapport auquel, en les utilisant, on se situe, consciemment ou non; c'est tout le problème des "non-dits", des présupposés sous-jacents; l'exercice philosophique consiste pour une part importante à tenter de les mettre à jour.
Dans cette perspective, les expressions "le cerveau qui m'habite", "la personne qui m'habite", "la personne qui parle en mon nom"...m'invitent à te demander qui est ce "m'", à qui est ce "mon" autre que le cerveau et la personne elle-même?
Sinon je crois saisir ce que tu veux dire, mis à part les remarques précédentes provoquées par cette insistance, à mon avis injustifiée, d'utiliser l'expression "libre-arbitre" qui n'est neutre à aucun niveau.
 serres jean claude 6 janvier 2013 09:31

Le "m" caractérise la personne que je suis à l'instant présent (celui ou j'écris maintenant produit par mon cerveau non conscient et qui génère quelques états de conscience : celui de me focalisé sur cette tâche et celui de produire cet écris. Mon cerveau cognitif a sans doute pris le pas sur mon cerveau émmotionel et sur mon cerveau mimétique.
Il en est du libre arbitre comme de l'intuition on confond les processus de maturation non conscient et les résultats qu'ils produisent dans l'instant t
Je repart de la définition du libre arbitre que donne WIKIPEDIAT
Le libre arbitre est la faculté qu’aurait l'être humain de se déterminer librement et par lui seul, à agir et à penser, par opposition au déterminisme ou au fatalisme, qui affirment que la volonté est déterminée dans chacun de ses actes par des « forces » qui l’y nécessitent. « Se déterminer à » ou « être déterminé par » illustrent l’enjeu de l’antinomie du destin ou de la « nécessité » d'un côté et du libre arbitre de l'autre.
Le principe d'incertitude, la théorie du chaos voire les théorèmes d'incomplétude de Gödel ont, selon certains, apporté des éléments nouveaux à ce débat, sans pour autant le trancher.

Je vais poursuivre en apportant un commentaire à l'article Libre arbitre et science qui nourrit bien la dernière ligne de la définition


Partir de la définition de wikipedia ou du petit robert peut s'envisager, mais elle ont l'inconvénient de définir le libre-arbitre par la liberté, à moins de prendre en compte ce qui suit, à savoir l'expression "par lui seul".
Le problème est que ce "par lui seul" ne correspond à aucune réalité, comme nous m'explique d'ailleurs Gazzaniga lui-même, cf le passage déjà cité pp155-156. Les contraintes qui s'exercent sur moi sont, de façon totalement imbriquées, à la fois internes et externes, en corrélation réciproque. L'opposition "se déterminer" - "être déterminé" est totalement factice. De même l'expression "penser par soi-même", tout en flattant l'égo narcissique de nos contemporains, est une expression piège. Il est totalement illusoire de prétendre être l'auteur exclusif de ses propres pensées. Il est plus judicieux d'essayer de déterminer le "d'où je pense", afin précisément de pouvoir repérer les diverses influences internes et externes qui s'exercent sur moi; ce que par ailleurs tu reconnais. Tout ceci évidemment à quelque chose à voir avec la façon dont je me situe comme être social, à un moment du processus évolutif, et donc mon identité.


Le26/04/2014:
« Nos paroles acquièrent leur sens du reste de nos actions. »

 (Wittgenstein, « de la certitude «229.)